Jean-Paul Gavard-Perret - 2018 - "Christine Coblentz , Mirare"

Christine Coblentz , Mirare



Lost in translation

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Les photos de ces trois livrets ont été “prises volées à des époques différentes, dans des lieux anodins ou interdits. » écrit Christine Coblentz. Il y a là divers « motifs » (objets, intérieurs, paysages) pris ou dépris de leur contexte dans le but de les sortir du chaos du réel afin d’en proposer un autre dont néanmoins l’ordre est implicite – même si l’artiste n’en donne pas la clé. En noir et blanc, le monde se diffracte ou s’étale en une version d’abord nonsensique. Mais toute une logique y rampe. Preuve que ce qu’on prend pour habituel désordre n’est qu’apparence. L’artiste le recompose entre expressionnisme et impressionnisme particuliers.

Comme toujours Christine Coblentz secoue le voyeur sans pour autant faire usage de violence. Elle se contente de diffractions. révélatrices où les échelles sont brouillées et où les détails ne donnent pas forcément des ouvertures à la vue d’ensemble. Fée des métamorphoses, l’artiste joue des dissolutions, absorptions et métamorphoses.
Tout s’indécide moins dans un exercice de déceptivité que de translation où le regard se perd en de beaux mirages. Il existe là autant un travail d’intelligence que d’intuition. Les divers ordres (minéral, végétal, animal, humain) sont proposés selon des réorganisations que seul un regard distrait pourrait prendre comme superfétatoires.
Mirare propose en outre une autre histoire de l’œil en faisant jouer le désir de malléabilité de nouveaux corpus. S’y exerce une poésie nouvelle dans la « Rose au cœur violet » chère à Nerval. En un tel triptyque éclatent bien des mystères au milieu des rébus ou puzzles. Tous sont à résoudre avec obstination, joie fiévreuse ou maladive dans ce qui se veut inépuisable plaisir.
Chacun y cherche une image dans une autre, un corps dans un autre. Le tout dans un exercice conjugué. Les alcôves visuelles s’ouvrent en refuge pour la vie là où soudain ce ne sont plus les nains qui sont les derniers à savoir qu’il pleut.



Christine Coblentz, Mirare, portfolio de 60 photographies réparties en 3 livrets.Exposition à Alter’Art, Grenoble et galerie Ex Nihilo, Grenoble, novembre 2018.


Jean-Paul Gavard-Perret,



Novembre 2018